Cela sentait l’herbe fraîchement coupée dans ce parc de Belem où ils s’étaient allongés, l’esprit encore agité après leur visite au Centre Culturel, par les robes encagées de Louise Bourgeois, suspendues au dessus de sphères blanches, simples et belles, enfermées comme des femmes épousées contre leur gré.
Dans l’antica pastaleria de Belem, ils avaient dégusté cette pâtisserie chaude, sucrée et craquante, issue d’une identique recette appréciée à des milliers d’exemplaires chaque jour par des milliers de touristes, le goût de cette pâtisserie s’associerait dans sa mémoire au bruit des trains qui longent la rive du Tage, et au taxi fou roulant bien trop vite, un peu plus tard, sur les rails du tramway.
Une terrasse, Calçada do Duque, était partagée par deux restaurants, l’un infect, l’autre délicieux. Ils s’étaient assis au hasard un soir à la mauvaise table et se virent servir un poisson détestable, et étaient revenus le lendemain à la table de l’autre, et le repas, à un mètre d’écart, même rue, même vue sur le Castelo illuminé, fut délicieux. Vers minuit, ils entamèrent une conversation avec les convives de la table voisine, tandis qu’auprès d’eux on empilait déjà les tables du mauvais restaurant qui fermait plus tôt, et que les musiciens, saxophone soprane et guitariste, au numéro parfaitement rodé, tourbillonnaient autour d’eux, clownesques et complices, suspendant une note, le pavillon du saxophone immobilisé à quelques centimètres de la tête d’un client, avant que la musique reprenne, rebondisse, saluant le passage de cyclistes dévalant les marches de la rue à pleine vitesse, casqués, penchés en avant vers la descente. Les deux soirs ils étaient passés à la même heure, le soir du mauvais restaurant et le soir du bon restaurant.