“Allo Karine ? Jean-Jacques serait pas passé chez toi par hasard ? Tu l’as pas vu… Non, c’est juste que… Il est arrivé tout à l’heure à vélo, je l’ai entendu ouvrir son portillon. Et puis je suis partie vers le fond pour déterrer mes dahlias. Quand je suis revenue y avait plus personne de l’autre côté. Tu vois, il a tout laissé là comme ça. La brouette. Les outils. Et c’était resté ouvert du côté de la rivière. Je me suis dit il va revenir. Je me suis dit ça. Et puis non. C’était ce matin, vers 10h et il est toujours pas là. Jamais il laisserait tout en plan comme ça Jean-Jacques, c’est pas le genre, tu le connais.

Si j’ai demandé aux autres ? Ben oui, tu penses bien j’ai demandé tout autour, j’ai commencé à m’inquiéter il était midi, d’habitude il s’installe devant le cabanon, et c’est souvent qu’il me propose une bière, il a sa glacière, et j’amène mon frichti et une chaise. Maryse elle croyait qu’il était là, elle l’a vu arriver puis après elle a pas fait gaffe. Elle est venue avec moi, on a longé la rivière vers le bourg et ensuite vers le hameau, mais rien, personne, comme s’il s’était envolé, le Jean-Jacques, non mais t’y crois, toi ?

Je m’suis dit, c’est bête, hein, je m’suis dit comme ça, j’vais appeler Janine. Mais bon, tu sais bien, ça sert à rien de l’appeler, elle déraille complètement Janine maintenant. Elle se rappelle juste des trucs d’il y a cent ans, genre le jour où on avait attaché Marcel à un arbre… tu sais son frère Marcel qu’était rouquin… ça te fait encore rigoler, toi. On lui en a drôlement fait voir à celui-là. On était pas mal pestes, hein ? Pas mal, ouais.

Maryse ? Elle est repartie à son cabanon, Maryse. Elle m’a dit il va bien finir par revenir t’en fais pas, elle est retournée regarder la suite de Orange is the New Black. Elle, elle vient au jardin on se demande bien pourquoi, elle touche jamais à rien d’autre qu’à sa télécommande, heureusement qu’il y a Ahmed qui vient de temps en temps sinon ça serait la jungle.

Bon enfin après je suis retournée sur ma parcelle et je me suis mise à ratisser l’allée, c’est fou ce qu’il y a comme glands cette année, non ? Chez toi aussi, oui. Une glandée qu’il m’a dit Jean-Jacques, il en tombe sans arrêt ça résonne sur la tôle ondulée, tiens, t’entends ?

“Karine ? C’est encore moi. Je pouvais quand même pas t’laisser au milieu de l’épisode sans te raconter la fin… Alors vers 5h j’ai rameuté tout le monde, Johnny et Pacou, et Polo et Marylou, et même Franck et puis Lola et ses mômes, et Maryse qu’a bien voulu resortir, et même les p’tits jeunes de la parcelle à Jonathan qu’on connaît pas leur nom, ils sont venus chercher avec nous, on criait Jean-Jacques de partout, et on s’est enfoncés jusqu’à la nationale, et vers la carrière aussi. Il était nulle part. On rentrait vers les jardins en se disant qu’on allait appeler les flics, ça nous disait rien d’appeler les flics mais bon quoi faire ? Et puis en passant devant la cabane à Laurence, on a entendu des bruits. Tu sais, c’est celle qu’a une horloge accrochée devant.

Alors j’ai fait chut écoutez et on s’est tous arrêté de parler et oui y avait du ramdam là-dedans comme pas possible, et puis on s’est tous regardé et on est rentré chacun chez soi en se marrant, parce que le Jean-Jacques et la Laurence, ça leur avait juste pris d’un coup comme ça d’aller s’envoyer en l’air, et c’était des Jean-Jaaaacques par ci Jean-Jaaaacques par là, et puis je sais pas ce qu’ils ont fichu, mais sont restés enfermés toute la journée dans la cabane, en laissant comme ça tout en plan , si c’est pas dingue, non, tu crois pas ? Zut encore un de ces fichus glands, je m’le suis pris sul crâne çui-là.

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