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Salma partage un minuscule deux pièces dans la 28ème rue, juste au dessus du marché au fleurs, avec Bodil, qu’elle a rencontrée à l’auberge de jeunesse lorsqu’elle est arrivée à New York. Bodil travaille dans un Nail Spa. La manucure , c’est “just for food”, dit Bodil, qui passe tout son temps libre à peindre des oiseaux. “Ils me font un peu peur, tes oiseaux.” C’est tout ce que Selma a pu lui dire le soir du vernissage de son exposition. Bodil l’a regardée avec son air suédois – incompréhension sans hostilité. Le week-end elles courent ensemble, rejoignant Central Park en métro avant de s’élancer dans les allées, évitant les chiens et  les poussettes, Salma dans son vieux pantalon de jogging, Bodil en short et débardeur fluo.

centralpark

Un dimanche, Selma , qui sort du métro avec Bodil, aperçoit Kate. Elle reconnaît de loin son professeur de “Voice and Speech” à la Julliard School et s’approche pour la saluer, mais celle-ci a déjà rejoint en courant l’entrée du parc, comme aspirée par les allées. Kate, trois fois par semaine, apprend à respirer et à poser leur voix aux étudiants de première année.

Récemment arrivée de la banlieue de Londres, éberluée d’avoir obtenu sa bourse, Salma est aussi impressionnée qu’excitée par New York. Il lui semble toujours, au bout de plusieurs mois, que la ville risque de disparaître d’un simple appui sur une touche de la télécommande. Kate elle-même semble tout droit sortie d’une série : sa cordialité, ses jambes musclées, son regard direct, le mini dragon tatoué sur son épaule gauche, sa ferme conviction que tous les élèves vont réussir de belles carrières s’ils font régulièrement les exercices vocaux qu’elle leur prescrit. Kate court tête nue, sans écouteurs, légèrement plus vite que son étudiante qui la voit s’éloigner progressivement.

Tandis que Salma ajuste la cadence de sa course sur la pulsation de Renaissance Girl, elle serait à peine surprise si un metteur en scène surgissait de derrière les buissons pour lui demander de refaire la prise. Bodil, elle, court en écoutant Le tour d’écrou de Henry James. Elle lui a assuré que ce sentiment d’irréalité allait disparaitre au bout de quelques mois. Mais comment croire quelqu’un qui écoute des livres ?

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2 Comments

  1. Bonne année à toi, Clément !
    Oui, le retour des blogues, vite !
    Quant à l’écoute des livres : personnellement j’aime bien ça. Il faut que la voix me plaise, il faut que la voix et la diction me séduisent complètement, c’est indispensable. Mais même dans ce cas, j’ai plus de facilité à me déconcentrer (cesser d’écouter) avec le livre audio qu’en lisant avec les yeux, et surtout je ne m’en aperçois pas : soudain, j’ai cessé d’écouter, je suis partie dans mes pensées, et quand je veux reprendre l’écoute, je réalise que j’ai raté tout un long passage… Et c’est dur avec les livres audio de remonter en arrière et de retrouver le moment où j’ai décroché.

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