Le chantier de la halle Freyssinet est visible de toutes parts. Dépourvu de façade, le bâtiment dénudé ouvre à tous les vents sa structure. La nuit, l’éclairage artificiel magnifie le fin réseau de poutres en béton précontraint et de poteaux, une trame qui s’étend à perte de vue. Je sais que cette phase va s’achever, et que bientôt l’espace va se fragmenter pour accueillir les activités d’un incubateur de start-ups, et que des façades dissimuleront le squelette aujourd’hui apparent.

Je le sais, oui, mais voilà :  je rêve. Les chantiers, surtout ainsi éclairés, de nuit, et silencieux, et déserts, me font rêver. Les mandibules métalliques des engins de manutention reposent immobiles auprès de montagnes de gravats, sous la triple voûte, et voici qu’elles se rebellent à leur réveil contre le sérieux du projet qui les attend : cloisons, façades, portes, murs, revêtements, équipements, toutes ces finitions, tous ces accommodements avec des activités diurnes. Refusant d’obéir à leurs conducteurs, elles entament une danse des pelleteuse entre les poteaux, une chorégraphie bruyante et pataude. Et je t’invite, Dominique Boivin, à venir danser avec elles, comme tu as dansé ce jour-là  à Moscou, dans le parc Gorki.

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