Les roses dont il est question dans “Veules-les-Roses” sont les roses trémières, selon Maman. Elle l’affirme catégoriquement, bien sûr Michel voyons ce sont les roses trémières, il y en a ab-so-lu-ment partout, enfin, regarde,  mais Papa n’a pas un regard pour les roses trémières, il soutient, lui,  que les roses, dans Veules-les-Roses, sont des roses, de simples roses, magnifiques, vois-tu Chantal elles poussent parfaitement ici, c’est dû à l’acidité du sol, regarde celle-ci et puis arrête enfin ça commence à bien faire avec tes roses trémières.

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Maman ne l’écoute pas, elle se retourne vers moi, assis tout seul sur la banquette arrière de la Volvo, et me fait un clin d’œil complice, je me demande bien pourquoi car je me fiche pas mal de leur guerre des roses, j’ai hâte qu’on arrive à la villa.  Je me demande si mon cousin Thibault sera déjà là. Je poserais bien la question, mais impossible d’en placer une, Maman a cherché dans Wikipedia sur son téléphone pour trouver une preuve, Papa grommelle que Wikipedia c’est n’importe quoi, Maman crie presque qu’autrefois Veules les Roses s’appelait Veules en Caux, et que le mot “roses” a été ajouté en 1897, c’est même paru au journal officiel, et Papa dit que oui, c’est bien ça, “Veules-les-Roses”et pas “Veules-les-Roses-Trémières”. Maman dit tu es de mauvaise foi Michel, avoue.

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Thibault mon cousin a deux ans de plus que moi, plein d’amis sur Facebook et un piercing au sourcil gauche. J’espère qu’il sera là, avec lui je m’ennuie moins à la villa. Il déteste se baigner, se moque des gens qui trainent sur la digue, ne dépasse jamais les jeux pour enfants qui barrent l’accès au front de mer. Il peut passer la journée entière dans sa chambre à jouer à World of Warcraft, moi aussi j’aimerais bien mais jamais Maman ne me laisse tranquille aussi longtemps. La mère de Thibault, elle, n’est presque jamais là, la chance. Le portail est ouvert, la voiture longe les massifs d’hortensias et s’arrête dans un crissement de graviers. La guerre s’arrête en même temps que la voiture, les parents, comme à chaque fois que nous arrivons ici, courent vers le bout de la terrasse et restent un long moment à admirer les falaises qui s’étirent au loin vers Dieppe et le Tréport. Mes yeux fouillent la façade à la recherche d’un signe de la présence de Thibault. Tous les volets sont fermés à l’étage, mais cela ne veut rien dire, Grand-Mère exige qu’ils restent clos lorsque il fait chaud comme aujourd’hui.

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C’est marée haute, dit mon père, tu ne vas quand même pas te baigner maintenant, mais Maman a déjà fourré une serviette dans le sac jaune. Elle se fiche de la marée haute et des galets, je ne sais pas comment elle fait, on dirait qu’elle ne sent rien, elle court pieds nus jusqu’aux premières vagues et plonge la tête la première. Je meurs d’envie de l’imiter, mais je crains de susciter le mépris de Thibault, s’il est là, s’il me voit, en manifestant le moindre enthousiasme pour la baignade. Non mais t’as vu ces dégénérés qui barbotent comme des canards en plastique a-t-il dit l’an dernier, avant d’envoyer une rafale de mitraillette sur un type qui arrivait par la gauche de l’écran. Et puis zut, il fait vraiment trop chaud, je descends en courant le petit sentier vers la plage, et j’ai bientôt rejoint ma mère. Lorsque je sors la tête de l’eau après ce premier plongeon, une planche à voile fonce sur moi. J’ai juste le temps de me pousser et de reconnaître la voix de Thibault : “attention mes petits canards !”, et déjà il file vers le large, élégamment penché en arrière, un reflet de soleil accroché à son piercing.

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